Quel rapport entretient-on avec les protéines, et de manière plus générale avec l’alimentation ? Cette question paraît inutile mais elle est intimement liée à notre culture et à nos relations avec le monde du vivant.

Dans notre société d’abondance, on ne se soucie guère de la valeur d’un aliment (sa valeur en tant que bien, le respect qu’on peut avoir pour elle et non sa valeur nutritive) et c’est souvent le cas dès que quelque chose devient banal. La ou ça devient très parlant et ou la valeur de l’alimentation est mise à mal, c’est quand elle joue un rôle prédominant, l’exemple type étant bien évidemment la musculation.

La déconnexion totale de l’alimentation

Pour moi, la musculation et le véganisme sont deux notions qui apparaissent au premier abord comme diamétralement opposées. D’un côté, on cherche à progresser un maximum soi-même, en se concentrant sur un développement strictement personnel. De l’autre, on cherche à faire dépendre au minimum les êtres vivants de son quotidien, dans un souci d’égalité vis-à-vis de toutes les formes de vie sensibles. Ici, le développement est collectif.

Je suis devenu assez rapidement vegan, mais avec le recul, je me rends compte maintenant de la différence que j’ai entre mon mode de vie actuel et celui que j’avais auparavant. Mon mode de vie était axé sur le développement physique et je tentais d’optimiser deux des facteurs principaux : l’entraînement et l’alimentation.

Pour l’entraînement, j’ai pu apprendre grâce à mes études de coaching sportif à structurer mes séances, ce qui m’a donné les moyens de comprendre comment progresser. En ce qui concerne l’alimentation, j’ai compris aussi que pour progresser, il fallait que j’apprenne à optimiser mes repas pour arriver à construire du muscle et augmenter mes performances.

Mais plus j’avançais, plus je me déconnectais de l’alimentation. En fait, le problème, je le vois surtout avec les protéines. Comme tout le monde le sait, elles jouent un rôle capital dans la construction musculaire. En étant omnivore, je mangeais de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers.

Mais en faisant de la musculation, les quantités sont augmentées et plus je progressai, moins j’accordais de valeur à ces aliments. Je n’arrivais même pas à me rendre compte qu’il s’agissait de morceaux d’animaux, de morceaux de vie, que je décidais de prendre non pas pour survivre mais pour être meilleur.

…Et je vous ferai prendre du muscle.


J’étais tellement absorbé par ma propre réussite que je ne pouvais en aucun cas me demander s’il était possible de faire autrement, s’il existait une alternative me permettant d’atteindre mes objectifs sans faire dépendre des animaux. C’était devenu une routine stable et normale pour moi. Si je veux avoir le nombre de protéines dont j’ai besoin, je dois manger ce steak, je dois manger ces œufs, je dois manger cette boite de thon.

J’étais arrivé à un stade ou je voyais l’alimentation uniquement comme un nombre de calories, un nombre de protéines, comme une quantité. J’étais devenu une machine ayant besoin d’être remplie avec des dosages précis dans le but d’arriver à mes objectifs.

Quand je suis passé à une alimentation vegan, j’ai compris progressivement ce que représentait l’alimentation, ce qu’il y a derrière un taux de protéines, derrière une forme de vie. L’industrie agro-alimentaire met tout en œuvre pour déconnecter le consommateur de l’assiette. Ce n’est pas une théorie, c’est véridique et c’est complètement normal.

La stratégie commerciale

La viande est un produit de consommation spécial, car on associe un degré émotionnel plus ou moins fort à l’animal qui est derrière le steak. On le sait mais on ne se pose pas forcément trop de questions (comme moi à l’époque).

Mais si on remplace le steak par n’importe quel autre bien de consommation, comme par exemple une bouteille d’eau ou même un bien qui est non alimentaire comme une casquette, on ne doute plus sur les stratégies commerciales et tout le marketing qui est mis en place pour donner envie au consommateur de l’acheter.

C’est là qu’on comprend qu’il n’y a aucune différence. Les protéines d’origine animale sont des produits avec des valeurs marchandes, et à partir de là ils doivent donner envie d’être consommés afin de permettre à l’industrie qui les met sur le marché de prospérer, de continuer de tourner.

L’industrie ne peut pas se permettre de faire émerger des « émotions commerciales négatives » (comme la compassion envers le bœuf qui est à l’origine du steak) chez le client potentiel, sinon il ne l’achètera pas. C’est purement commercial.

La célèbre pyramide alimentaire apprise en maternelle et qui reste encore encrée dans les mentalités. Ici, l’œil des lobbys qui surveille en haut de la pyramide n’est pas représenté 😉


Associer la viande à la force et à la virilité, dire que les protéines d’origine végétale sont de moins bonnes qualités, sont des exemples parmi tant d’autres permettant d’entretenir le mythe persistant à dire que le sport et plus particulièrement la musculation ne sont pas compatibles avec une alimentation vegan.

Cependant, l’intégralité des nutriments d’origine animale qui sont capitaux dans le développement musculaire et dans la poursuite des objectifs sportifs se retrouvent dans les aliments d’origine végétale, que ce soit les protéines, le fer, le calcium, les omégas 3, etc… A voir dans mon guide gratuit sous cet article.

Attention, la carence n’est pas impossible, mais elle se retrouve autant chez les personnes qui consomment des produits d’origine animale que chez les personnes qui n’en consomment pas. Il s’agit simplement de savoir comment manger, et c’est là que se situe toute la différence.

D’ailleurs, mon défi consistant à regarder ce qu’il se passe pendant ma première année d’association musculation et véganisme me permet de voir directement si les performances physiques et la masse musculaire sont impactées ou non.


La reconnexion progressive

Quand j’ai réalisé tout ça, quand j’ai compris à quel point je ne pouvais pas continuer à faire dépendre les autres de mon mode de vie, j’ai voulu changer mon alimentation. Mais je comprends en parallèle pourquoi je n’y arrivais pas, je comprends à quel point l’industrie avait réussi à formater mon esprit pour me permettre de réaliser des actions pour lesquels j’étais censé être destiné (tu fais du sport ou tu fais de la musculation, tu manges de la viande) et à faire en sorte que j’accorde une valeur faible à l’alimentation, dans le but d’en consommer toujours plus.


Maintenant, je vois l’alimentation comme quelque chose de précieux et noble, qui doit être préservé et respecté. Que ce soit vis-à-vis des sources de protéines végétales (haricots rouges, soja, pois cassé, lentilles…) ou pour tout le reste. C’est pour cela d’ailleurs que je ne suis plus vraiment regardant sur le montant de mes courses et je sais que dès que j’en aurai l’occasion, je mangerai au maximum bio car je n’ai plus ce même rapport avec l’alimentation.


Quand je fais mes courses, ça peut sembler dingue mais je ne regarde jamais les prix et je ne regarde même pas le ticket de caisse. D’ailleurs je m’en compte en écrivant ces lignes, je ne me souviens même pas de la dernière fois ou j’ai regardé le montant d’un ticket de caisse.

Après tout, ça changera quoi ? Personnellement, ça ne va pas bouleverser ma vie qu’un produit ai augmenté de 10 cts ou que mes courses aient coûtés 1 euro de plus que la dernière fois. Je sais que les économies se font ailleurs car j’ai pris de bonnes habitudes, comme par exemple en limitant au maximum les aliments sucrés ou raffinés, sans valeur nutritive.

Le véganisme, qui englobe la nutrition et le mode de vie, est une nouvelle manière d’appréhender mon environnement, qui me permet de surpasser les fondements plus ou moins égocentriques de la musculation traditionnelle, en ajoutant une dimension de respect dans mon alimentation. J’apprends énormément de ce nouveau mode de vie.